Définition de FEU, FEUE

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : feu, feû

DÉFINITIONS

1
Défunt, défunte.
Il se met après l'article défini ou après un adjectif possessif, et alors il s'accorde avec son substantif.
Suivant le testament du feu roi notre père
Une devise qui est peinte au Louvre dans l'antichambre de la feue reine mère Anne d'Autriche
de BOUHOURS dans Entretien des devises, p. 287
Il se place avant l'article défini ou l'adjectif possessif, et alors il est invariable.
Je tiens de feu ma femme, et je me sens comme elle Pour les désirs d'autrui beaucoup d'humanité
Et j'ai toujours été nourri par feu mon père Dans la crainte de Dieu, monsieur, et des sergents
J'ai ouï dire à feu ma soeur que sa fille et moi naquîmes la même année
Il se met devant un nom propre, et il est invariable.
Et l'on dit qu'autrefois feu Bélise, sa mère....
Il se met devant monsieur, et madame, et alors il est invariable.
La dame dit : Regardez si j'ai point Quelque habit d'homme encor dans mon armoire ; Car feu monsieur en doit avoir laissé
de Jean de LA FONTAINE dans Orais.
Vous étiez, madame, aussi bien que feu madame la princesse de Conti, à la tête de ceux qui se flattaient de cette espérance
J'ai connu dans mon enfance un chanoine de Péronne, âgé de quatre-vingt-douze ans, qui avait été élevé par un des plus furieux bourgeois de la ligue ; il disait toujours : Feu monsieur de Ravaillac

REMARQUE

1
1. Feu s'accorde avec son substantif quand il suit l'article : la feue reine ; mais il reste invariable quand il le précède : feu la reine, feu ma mère.
2
2. Cette règle est contestée par plusieurs grammairiens qui repoussent une pareille anomalie. Si on se réfère à l'usage, il n'a pas été toujours constant ; témoin cet exemple de Balzac : Si vous ne connaissez pas Uranie, cette nymphe que j'ai tant louée, je vous avertis que c'est feue ma bonne amie, Mme des Loges, Lett. XI, 13.
3
3. D'après l'Académie, feu n'a pas de pluriel ; cette remarque n'est pas fondée ; et il est correct de dire : les feus rois de Prusse et d'Angleterre. On dirait aussi, mais sans accord : feu mes oncles.
4
4. Feu ne se dit que des personnes que nous avons vues ou que nous avons pu voir ; on ne dit pas feu Platon, feu Cicéron, si ce n'est en plaisantant ou en style burlesque.
5
5. Quand on dit le feu pape, le feu roi, etc. on entend toujours le pape dernier mort, le roi dernier mort, etc.
Il n'y a point trouvé les propositions condamnées par le feu pape
6
6. On dit feu la reine s'il n'y a pas de reine vivante ; et la feue reine si une autre l'a remplacée.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Las ! mal feüx ! oum esmes avogluz ! Quer [car] ço vedons que tuit sumes desvez ; De nos pechez sumes si ancumbrez, La dreite vide nus funt très oblier
dans Chanson de St Alexis, CXXIV
Pur que portai [eus-je un enfant], dolente, mal feüde ?
dans ib. LXXXIX
2
XIIIe s.
Se li rois Loys fust feüs [mort]
de RUTEBEUF dans II, 62
Ge Gauvaings, chevalers, filz fahu Jofre.... por faire l'anniversaire fahu Ostent Beraut, chevalier
dans Bibl. des chartes, 3e série, t. v, p. 86
Amprès lou clous [clos] qui fu mon seignor Girart, lou prevoire [prêtre] fau.... et la vigne qui fu fau Tiebaut
dans ib. 5e série, t. IV, p. 470
3
XIVe s.
Certaines maisons que Guillaume Baron et Raquille, famme feux du dit Baron aviont achatées des hoirs feux Tevenot....
dans Archives du Cher, dans JAUBERT, Gloss. I, p. 110
Certes, biaus chiers sire, à mon vuel, Fussiez-vous evesques eslus, Quant nostre evesque fu feüs
dans le Miracle de Théophile, dans le Théâtre français au moyen âge, p. 148
Les biens de feuwe Maroie de Ransart, laquelle trespassa ou dit hospital
dans Compte de l'hospital de Wez de 1360, cité par ROQUEFORT, Supplém. art Cotte.
4
XVe s.
....La grant Alison, Laquelle tenoit ce mignon, Et l'entretint longtems, et l'eut, Comme on dit, par succession De sa feu tante qui mourut
de COQUILLART dans l'Enquête de la simple et de la rusée.
Le regne du feu roy Louis onzieme
de Philippe de COMMINES dans VII Prol.
5
XVIe s.
Le tien fut pere
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans p. 210, dans LACURNE
Nous en avons emprunté nostre feu maistre Jehan [de l'usage des Romains de ne pas nommer la mort]
de Michel de MONTAIGNE dans I, 72
Un domestique de feu mon pere
de Michel de MONTAIGNE dans I, 100
Eu esgard mesmement à son contract de mariage et testament de feue sa femme
Feue de très recommandable memoire madame l'archiduchesse d'Autriche
dans Cérémon. de France, p. 229, édit. in-4°
À la cruelle bataille devant Constantinople moururent feuz de bonne memoire les roys Lisuart et Perion
dans D. Flores de Grece, f° 135
La femme qui fut maistre Jean de Vernon
dans Gr. coust. de France, liv. II, p. 271

ÉTYMOLOGIE

1
Berry, funt, et aussi defeu, defeue ; ital. fu, la fu regina, la feue reine. Il est difficile de rendre compte de toutes les formes de ce mot : le berrichon funt est le latin functus, défunt ; l'italien fu est la troisième personne du prétérit fù, il fut, il a cessé de vivre. Mais d'où vient le vieux français feü ou fahu, qui est la forme la plus ancienne ? Ce mot dissyllabique représenterait une forme barbare, fadutus ou fatutus ; est-il permis de conjecturer qu'il provient irrégulièrement de fatum, et qu'il signifie qui a accompli sa destinée ? L'exemple du XIe siècle qui signifie évidemment malheureux, qui a un mauvais destin (comparez l'anglais ill-fated), appuie cette conjecture. Feu est très certainement la contraction de l'ancien feü, et ne peut représenter le latin fuit, l'italien fu. Si donc on embrasse la totalité de l'expression de l'idée en France, on trouve trois sources : le français feu, feü, pour lequel nous avons indiqué une conjecture, et qui, étant dissyllabique, ne peut provenir de functus ; le berrichon qui est le latin functus, et l'italien fu qui est le latin fuit. Au XVIe siècle, l'italianisme fit prendre la forme italienne (le tien fut pere, de J. Marot) ; mais elle ne dura pas, et ce fut l'ancien feu qui se maintint.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Sémantique : Terme d'exploitation houillère. Feu de monastère, voy. TOQUE-FEU.
2
Petit feu, feu qu'on met aux sous-bois pour les détruire.
Un propriétaire de la contrée, M. de More, a imaginé d'employer le feu comme moyen de destruction des sous-bois.... dans son application, le petit feu exige certaines précautions
de H. FARÉ dans Enquête sur les incendies de forêts, p. 22
3
En costume de feu, se dit des pompiers équipés pour aller à un incendie.
Les pompiers veillent tout prêts pour l'action, la veste au dos, la ceinture aux reins, le casque en tête, en costume de feu, comme on dit
de MAXIME DU CAMP dans cité dans Journ. offic. 27 fév. 1875, p. 1512, 2e col.
4
Feu de Bengale, voy. FLAMME, n° 1.
5
Les armes à feu sont des armes de jet construites pour l'emploi de la force explosive de la poudre ; ce sont les armes portatives, les bouches à feu, les fusées de guerre. La bouche à feu est une arme à feu, en général de fort calibre, disposée de manière que le recul se fasse sur le sol ou sur un bâti quelconque.

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